CEPII, Recherche et Expertise sur l'economie mondiale
Après la COP21, comment climatiser la finance ?


Etienne Espagne

L’adoption de l’Accord de Paris le 12 décembre 2015, en conclusion de la 21e Conférence des parties (COP21) à la Convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique (CCNUCC), aura marqué politiquement la fin de l’année 2015. Sa portée et la force des objectifs affichés en ont fait un succès de jure. Le momentum politique, médiatique et citoyen qui a précédé et accompagné les négociations n’a heureusement pas été suivi, cette fois-ci, de la cruelle désillusion qui avait marqué la fin de la conférence de Copenhague en 2009 (COP15). Au contraire, il a pu se déployer avec une ampleur inédite, opérant au moins l’espace d’un instant une « climatisation du monde » [Aykut et Dahan, 2015]. Pour autant, ces objectifs généreux et unanimement adoptés devront se traduire rapidement dans les faits. Les premières négociations post-COP21, qui ont eu lieu en mai 2016 à Bonn, témoignent de tout le travail de mise en oeuvre qui reste à accomplir au regard des résultats scientifiques sur les impacts macroéconomiques du changement climatique (encadré 1). La COP22 prévue à la fin de l’année 2016 à Marrakech sera à cet égard décisive.
La COP21 aura par-dessus tout permis d’étendre la question climatique à des secteurs qui en étaient jusqu’alors éloignés, tout particulièrement le secteur financier et celui connexe de l’assurance.
L’ampleur des besoins de financement estimés, la perception grandissante du caractère dévastateur des changements climatiques et de la nécessaire transformation des politiques pour s’en prémunir ou s’y adapter [Carney, 2015], les inquiétudes enfin sur l’émergence d’un phénomène global de stagnation séculaire d’origine financière ont naturellement introduit les thématiques financières dans les négociations climatiques et, réciproquement, les questions climatiques dans les enceintes financières internationales. L’appréhension du changement climatique comme un risque confère à l’assurance un rôle crucial, qu’il s’agisse de concevoir de nouveaux instruments d’adaptation à ces changements environnementaux ou d’en investir les recettes à long terme, seul horizon compatible avec celui des objectifs climatiques.
C’est au bilan de cet épisode majeur de l’année 2015 que ce chapitre est consacré, avec un angle particulier : celui des liens qui commencent à s’établir entre la finance et le changement climatique. Le texte de la COP21 et les initiatives annexes qui ont été officialisées au moment de la conférence de Paris offrent une certaine vision du rôle que les secteurs financier et assurantiel ont à jouer. Mais les institutions financières nécessaires à l’accomplissement de l’objectif final de la Convention, à savoir un horizon de neutralité mondiale des émissions de carbone atteint dans la seconde moitié du siècle, sont encore loin d’être clairement établies. Paradoxalement, les inquiétudes actuelles quant aux fragilités du système financier global [FMI, 2016] pourraient offrir l’opportunité d’innovations institutionnelles dans le champ climatique. L’enjeu n’en est que plus grand. Encore faudra-t-il pour cela dépasser l’ambivalence de la sphère financière vis-à-vis des effets du changement climatique, entre la perception des opportunités que ces nouveaux risques créent pour le secteur [Carney, 2015] et la difficulté à reconnaître le caractère systémique du phénomène climatique [Aglietta et Espagne, 2016]. [...]


 L'économie mondiale 2017
La Découverte, 2016

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