Le blog du CEPII

Pacte budgétaire : que peut-on renégocier ?

Retranscription écrite de l'émission du 3 mai "Les idées claires d'Agnès Bénassy Quéré", chronique hebdomadaire sur France Culture le jeudi matin à 7h38
Par Agnès Bénassy-Quéré
 Vidéo du 3 mai 2012


 

François Hollande a promis que s’il était élu, il renégocierait avec ses homologues européens le pacte budgétaire, autrement dit le « Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance ». L’idée est de grappiller à Bruxelles quelques maigres moyens pour redresser une croissance décidément mal orientée, notamment par des investissements européens dans les infrastructures et dans les PME. Bref, de contourner le fait que nos budgets nationaux sont corsetés par le Pacte de stabilité et la future règle d’or.

Dans le même temps, le Président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, plaide pour un « pacte de croissance », dont le nom officiel pourrait être, essayons-nous au sabir bruxellois – « Traité pour la coordination, la croissance et le développement durable ». François et Mario se seraient-ils mis d’accord dans le dos d’Angela ? Que nenni ! Rappelons que le père du Pacte budgétaire n’est autre que super-Mario lui-même, lequel en a fait un préalable à l’intervention massive de la BCE en décembre et en février. Il ne va certainement pas se dédire. S’il veut de la croissance, c’est parce que sans elle, le pacte budgétaire est voué à l’échec. Mais son idée à lui, c’est celle des réformes structurelles – réformes du marché du travail, ouverture de professions réglementées, renforcement de la concurrence. Si tout ceci vous paraît abstrait, relisez le rapport Attali de 2008 ou bien les ouvrages de Pierre Cahuc, Francis Kramarz et André Zylberberg. Tout est prêt, il n’y a « plus qu’à ». C’est d’ailleurs ce à quoi s’emploie un autre super-Mario, Mario Monti, en Italie.

Contrairement à une idée bien enracinée en France, les réformes structurelles peuvent être un moyen de lutter contre les inégalités et contre la pauvreté. Il s’agit en effet de s’attaquer aux rentes de situation et de combler le fossé béant entre, d’un côté, les salariés en contrat à durée indéterminée, et de l’autre, ceux qui au mieux enchaînent les contrats précaires, sans jamais parvenir à sauter sur l’autre rive. Il s’agit aussi de faire monter le pouvoir d’achat non pas en relevant les salaires, mais en faisant pression à la baisse sur les prix.

Magnifique, direz-vous, mais tout ceci va prendre du temps, beaucoup de temps. En attendant, la récession va fabriquer de nouveaux chômeurs. Vous avez raison. Mais c’est là que super-Mario Monti dévoile son second visage. Il a en effet annoncé il y a quelques semaines que la révision à la baisse des perspectives de croissance en Italie ne l’amènerait pas à couper davantage dans les dépenses publiques. Face à une croissance qui se dérobe, pas question de courir après la cible de déficit budgétaire. Et c’est bien là que se situe le fond de l’affaire : un chiffre en pourcentage du PIB – mettons 3% - est intenable car le dénominateur (le PIB) fond à mesure que le numérateur (le déficit) diminue. La solution serait alors de cibler seulement le numérateur : s’engager à réduire le déficit de x milliards d’euros plutôt que de y pourcents du PIB. Ce n’est d’ailleurs pas incohérent avec le pacte budgétaire, seulement avec le pacte de stabilité. Or il y a là une vraie marge de négociation – même le très raisonnable FMI serait pour. Mais en échange il faudrait rassurer nos partenaires en présentant un programme ambitieux de réformes. Mario Monti l’a fait, alors, pourquoi pas notre prochain président, qu’il soit de droite ou de gauche ?


Interview d'Agnès Bénassy-Quéré pour France Info : le bras de fer Hollande-Merkel
 

Agnès Bénassy-Quéré : le bras de fer... par FranceInfo

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