Le blog du CEPII

Niveaux de prix manufacturiers en Europe

Nos calculs des parités de prix de production en Europe en 2007 révèlent que des pays aujourd’hui fragilisés ne souffraient pas d’un handicap de compétitivité-prix par rapport à l’Allemagne dans l’industrie.
Par Laurence Nayman, Deniz Ünal
 Faits & Chiffres du 29 novembre 2012


Dans les comparaisons internationales de performances productives, les prix des biens et les coûts des facteurs sont souvent considérés dans leur évolution, sans que soient comparés leurs niveaux réels. La difficulté tient aux écarts de prix relatifs entre les pays. Dans le cadre d’un réseau de recherche autour de l’Université de Groningen aux Pays-Bas, le CEPII calcule depuis maintenant vingt ans des parités de prix de production (PPP) dans l’industrie manufacturière pour évaluer les niveaux des valeurs ajoutées nationales dans le même système de prix, en l’occurrence celui de l'Allemagne, le pays de référence de nos comparaisons bilatérales.

La dernière étude du CEPII dans ce domaine (Nayman & Ünal, 2012) compare huit pays européens (Finlande, France, Grèce, Italie, Pologne, Portugal, Espagne et Royaume-Uni) à l’Allemagne pour l’année de base 2007. Le choix de l’année 2007 nous permet d’observer si des pays européens aujourd’hui fragilisés pour des raisons macro-économiques manifestaient avant l’entrée dans la crise des écarts prix et de coûts notables par rapport à l’Allemagne.

Les PPP résultent de la comparaison des prix de production d’un même panier de biens dans le pays considéré et en Allemagne (voir l’encadré). Les paniers représentatifs que nous avons constitués contiennent de 400 à 1 500 produits selon les pays. Les prix relatifs sont agrégés ensuite en vingt-et-une branches et sept grands secteurs.

Cet exercice révèle une diversité de situations (voir le tableau) : l’intégration européenne n’a pas encore éliminé les écarts de niveaux de prix au sein de l’UE. En 2007, si la France, la Finlande et, dans une moindre mesure, le Royaume-Uni ont des prix manufacturiers proches de ceux de l’Allemagne, les niveaux relatifs en Pologne, au Portugal, en Espagne et en Italie sont nettement plus faibles : la fabrication d’un même panier de produits y coûte 30 % moins cher qu’en Allemagne. Par rapport à ces quatre derniers pays, la compétitivité-prix de la Grèce apparaît deux fois moindre (15 % moins cher que l'Allemagne).

Au niveau sectoriel, les prix relatifs dans le secteur agro-alimentaire sont plus élevés dans tous les pays par rapport à l’Allemagne (sauf en Pologne). A l’inverse, ceux de l’industrie des équipements de transport sont bien plus faibles.

Ces résultats montrent qu’en 2007 les huit pays considérés ne souffraient pas d’un handicap de compétitivité-prix par rapport à l’Allemagne dans l’industrie manufacturière. La Pologne et trois pays méditerranéens bénéficiaient même d’une compétitivité-prix notable. La Grèce, quant à elle, connaît un écart de prix moindre. Quant aux autres pays plus riches de notre échantillon, le Royaume-Uni, la France et la Finlande, leurs niveaux étaient comparables à ceux de l’Allemagne.

Tableau - Niveaux de prix relatifs par secteur en 2007 (PPP/taux de change nominal, Allemagne=100)

Note : nous considérons ici le secteur manufacturier hors énergie.
Source : Eurostat, Prodcom et Structural Business Surveys ; calculs des auteurs.
 
Encadré : La parité des prix de production

Cette étude est basée sur la méthode dite Industry-of-Origin et vise à comparer l'efficacité productive des pays. Moins répandue à l'origine mais aussi ancienne que la méthode des parités de pouvoir d'achat (PPA), elle a connu des développements importants depuis la fin des années quatre-vingts grâce aux travaux de A. Maddison et B. Van Ark (Projet de comparaisons internationales de la production et de la productivité, Université de Groningen, Pays-Bas).

Dans un cas comme dans l'autre, l'objectif est de déterminer un taux de conversion. La méthode consiste à choisir un panier de produits commun aux pays étudiés et à comparer les valeurs de celui-ci en monnaies nationales pour calculer le taux de conversion. De la sorte, si le même panier de produits d'une branche donnée coûte 30 000 zlotys en Pologne et 10 000 € en Allemagne, le taux de parité de prix de production dans cette branche sera de 3 PLN/€.

Les PPA, calculées par les Nations Unies, Eurostat et l'OCDE, reposent sur la comparaison de paniers de biens et services de la demande finale et sont plus appropriées pour comparer les niveaux de vie entre les nations. Par contre, les PPP calculées sur la base des prix de production reflètent les conditions de l'offre et conviennent ainsi mieux à des comparaisons des niveaux de productivité.

Dans la méthode Industry-of-Origin, les taux de PPP sont calculés au niveau le plus détaillé à partir des valeurs unitaires des produits. Dans chaque pays, le rapport de la valeur sortie-usine d'une production à la quantité vendue donne la valeur unitaire du produit en monnaie nationale. Pour un couple de pays, on calcule d'abord le rapport des deux valeurs unitaires nationales pour chacun des produits semblables d'une industrie. La moyenne des ratios de valeurs unitaires pour les produits donne le taux de PPP pour l’industrie concernée. Les taux de PPP sont ensuite agrégés au niveau des branches, des grandes branches et de l'ensemble du secteur manufacturier.

Référence :

Nayman L. & D. Ünal (2012), “How Far from the Mark? Manufacturing Price and Productivity Levels of Eight European Countries Compared to Germany”, texte présenté à la conférence annuelle de IARIW à Boston en août 2012. Une version modifiée de ce texte sera prochainement publiée dans la série des documents de travail du CEPII.
 
Europe  | Compétitivité & Croissance 
< Retour