Le blog du CEPII

Droits de douane : la non-réciprocité n'est pas toujours celle qu'on croit

La protection aux frontières rencontrée par les produits européens à l’exportation est-elle équivalente à celle appliquée par l’Union européenne aux produits étrangers qu’elle importe ?
Par Houssein Guimbard, Lionel Fontagné
 Faits & Chiffres du 12 mars 2012


Pour en juger, le droit de douane moyen appliqué aux importations agricoles et non agricoles est un bon indicateur. Une première distinction s’impose entre pays à hauts revenus et pays en développement. Les seconds bénéficient du traitement dit « spécial et différencié » à l’OMC, leur permettant de maintenir une protection (au moins temporairement) plus forte. La seconde distinction vise à identifier les nouveaux concurrents asiatiques : Chine, Inde, ASEAN-10[1] (« Asie en développement » ici).

Au niveau mondial, la protection moyenne appliquée diminue avec le niveau de développement. Il est donc attendu que le droit de douanes moyen appliqué par l’Europe soit relativement avantageux, notamment pour les pays en développement. Cependant, parmi ceux-ci, l’Asie en développement se trouve pénalisée sur le marché européen (2,8% de droit moyen, contre 0,4% pour les autres pays en développement) pour les produits manufacturés. Cette différence est inexistante pour les produits agricoles, plus protégés (13%).

À l’opposé et comme prévu, les pays en développement se protègent davantage des importations venant d'Europe que cette dernière ne le fait vis-à-vis de ses importations en provenance de ces pays. Sur le marché des produits non-agricoles, l’Asie en développement applique des droits de douanes moyens similaires (6.1%) à ceux des autres pays en développement (6.3%). À l’importation, sur les marchés du groupe des douze pays asiatiques, l’agriculture affiche clairement son caractère sensible et une non-réciprocité manifeste vis-à-vis des produits agricoles européens (la protection moyenne est de 28.7%).

Enfin, le reste du monde oppose une protection légèrement plus forte aux exportations européennes (4,2%) que la réciproque (2,3%).

Deux enseignements peuvent donc être tirés de ces chiffres : d'abord, la protection européenne est moindre pour les produits exportés par les pays en développement, conformément à la logique multilatérale, ce qui se traduit par un degré limité de réciprocité ; ensuite, l'Europe protège relativement plus son agriculture, mais l'Asie en développement applique des droits de douanes moyens encore plus élevés, de sorte que la non-réciprocité est très marquée pour les échanges agricoles entre Europe et Asie en développement.

Ces chiffres doivent cependant être relativisés. En effet, les obstacles non-tarifaires ne sont pas pris en compte ici. La protection opposée aux exportations de services n’est pas non plus intégrée dans cette analyse, tant il est délicat d’estimer les barrières commerciales dans ces secteurs particuliers. Enfin, les écarts de droits de douane observés ici sont très limités en comparaison des désajustements de taux de change, comme dans le cas de la monnaie chinoise.

Protection appliquée bilatérale de l’Union européenne à 27 avec l’Asie en développement, les pays en développement et le reste du monde, en 2007, en %.



Source : MAcMap-HS6 2007, calculs des auteurs.

Note : Le droit de douane moyen (année 2007), en pourcentage, est pondéré par la méthode MAcMap-HS6. L’agriculture correspond à la définition OMC.

Le graphique se lit comme suit : globalement, la protection moyenne appliquée par l’Asie en développement à l’Union européenne, en 2007, est de 7.8%. Elle est de 28.7% dans l’agriculture et de 6.1% dans l’industrie.
 

[1] Brunei, Cambodge, Indonésie, Laos, Malaisie, Myanmar, Philippines, Singapour, Thaïlande, Vietnam.
 
Commerce & Mondialisation 
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