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La TVA sociale : une mesure pour l’emploi et non pour la compétitivité

Le 29 février, l’Assemblée nationale a voté la TVA sociale. Le but est double : stimuler l’emploi par une baisse des charges sociales et résorber le déficit de compétitivité de l’économie française. La TVA est-elle pour autant la solution miracle ?
Par Agnès Bénassy-Quéré, Sophie Piton
 Billet du 14 mars 2012


Le 29 février, l’Assemblée nationale a voté la TVA sociale. Dès le 1er octobre 2012, le taux normal de TVA augmentera de 19,6 à 21,2%, et la CSG sur les revenus financiers augmentera de 2 points. En contrepartie, la cotisation employeur consacrée à la famille sera supprimée pour les salaires compris entre 1,6 et 2,1 fois le SMIC, et allégée au-delà, jusqu’à 2,4 fois le SMIC. L’objectif affiché est double : stimuler l’emploi et renforcer la compétitivité à l’exportation des entreprises françaises.

A première vue, la mesure est bonne. Si les entreprises répercutent les baisses de charges sur leurs prix de vente hors taxe, les prix TTC n’augmenteront pas sur le territoire français et ils baisseront à l’exportation. Cela permettrait de redresser le solde commercial de la France en améliorant la compétitivité-prix de nos exportations (soumises à la TVA de nos partenaires) tout en taxant pleinement nos importations (soumises à notre TVA). Si les entreprises françaises, au contraire, profitent de la mesure pour accroître leurs marges, elles pourront alors investir et embaucher. Dans les deux cas, la décision paraît favorable à la compétitivité et à l’emploi.

La TVA est-elle pour autant la solution miracle ? Plusieurs facteurs jouent en sa défaveur.

1. Les effets d’une TVA sociale sont à bien des égards proches de ceux d’une dévaluation monétaire – instrument qui n’est plus disponible en union monétaire. Ainsi, elle renchérit les biens importés : ils subissent la hausse de TVA sans bénéficier de la baisse de cotisation sociale. Nos smartphones, tablettes, télévisions, mais aussi nos meubles Ikea et T-shirts nous coûteront plus cher.

Comme pour une dévaluation monétaire, si nous ne substituons pas à ces biens des biens produits en France, cela aura pour effet une baisse de la demande adressée à nos entreprises du fait de la chute du pouvoir d’achat. A terme, cela pourrait aussi créer une pression à la hausse sur les salaires. Il sera difficile, politiquement, de ne pas relever le salaire minimum en proportion des prix à la consommation. Les entreprises verseront alors en salaires une partie de ce qu’elles auront économisé en cotisations sociales. Ainsi, les effets d’une TVA sociale sur le coût du travail ne peuvent être permanents sans que les travailleurs ne subissent des pertes durables de pouvoir d’achat.
 
Par ailleurs, certains revenus ne seront pas affectés par la baisse des cotisations sociales mais verront tout de même leur pouvoir d’achat diminuer suite à la hausse de la TVA. Les transferts aux ménages sont pour la plupart indexés sur l’inflation (retraites, etc.), les autres minima sociaux devront eux aussi être ajustés. Tout cela pèsera sur les finances publiques.

2. Une baisse des cotisations sociales centrée sur les bas salaires cible l’emploi plutôt que la compétitivité.
Dans les secteurs intensifs en main-d’œuvre peu qualifiée, on peut espérer une baisse durable du coût du travail car la baisse des charges l’emportera sur la hausse de la TVA. L’effet sera vraisemblablement positif sur l’emploi.
Mais il se trouve que seules 4% des entreprises françaises exportent et qu’elles proviennent majoritairement de secteurs intensifs en main d’œuvre qualifiée. Le salaire moyen y dépassant le seuil de 2,4 fois le SMIC, elles ne seront pas directement concernées par la baisse des cotisations. Cette baisse ne leur sera répercutée qu’à travers leurs consommations intermédiaires, par l’ajustement des prix de production des fournisseurs. Or la hausse probable des salaires limitera l’impact des gains : la mesure aura un impact mitigé sur leur compétitivité.

3. Il est probable, cependant, que les fournisseurs étrangers ne resteront pas inertes face à la hausse de la TVA en France. Ils pourraient tout à fait comprimer leurs prix hors taxes pour maintenir leurs marchés. Le renchérissement des importations serait alors limité, la baisse de pouvoir d’achat moindre mais le gain de compétitivité des entreprises françaises également plus limité.
 
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La TVA peut apporter des gains substantiels en termes d’emploi. En revanche, il ne faut pas en attendre beaucoup pour redresser le solde commercial français. Ainsi la mesure est-elle davantage une « TVA emploi » qu’une « TVA compétitivité » : on peut espérer des emplois, mais il ne faut pas compter sur elle pour accroître nos parts de marché à l’exportation.


Références :

Les idées claires d’Agnès Bénassy-Quéré du 8 mars 2012, France Culture.

« TVA sociale ou dévaluation fiscale », Agnès Bénassy-Quéré et Benjamin Carton, Telos, 11 janvier 2012.

La Lettre du CEPII n°269, « Financement de la protection sociale : l’attrait des grandes assiettes », Martine Carré, Benjamin Carton & Stéphane Gauthier, août 2009.
 
 
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