Analyse économique du lien entre immigration et délinquance
La lettre du CEPII n° 436, « Immigration et délinquance: réalités et perceptions », a été largement relayée. Cependant, elle a parfois été diffusée de manière tronquée et avec des interprétations s’éloignant de son message initial. Ce billet a pour objectif d’apporter des clarifications sur la nature même de la relation entre immigration et délinquance.
Par Jérôme Valette
Dans l’opinion publique, l’idée qu’il existe un lien entre immigration et délinquance est aujourd’hui profondément ancrée. De fait, les immigrés et les étrangers sont effectivement surreprésentés dans les statistiques de délinquance de nombreux pays d’accueil. En France, selon les statistiques du ministère de l’Intérieur, les étrangers représentent 17 % des personnes mises en cause alors qu’ils ne constituent que 8 % de la population.
Cette surreprésentation est particulièrement marquée pour les atteintes aux biens : 39 % pour les vols dans les véhicules, 37 % pour les cambriolages ou encore 30 % pour les vols violents sans arme ; et, dans une plus faible mesure, pour les atteintes à la personne : 15 % pour les violences physiques hors cadre familial, 13 % pour les violences sexuelles, par exemple.
On observe également que les localités affichant les niveaux de délinquance les plus élevés sont aussi celles où la population immigrée est la plus importante. Il existe donc une corrélation positive entre immigration et délinquance.
Pour autant, ces observations permettent-elles de conclure qu’un afflux d’immigrés conduit systématiquement à un accroissement des taux de délinquance ?
Pour répondre à cette question, il est essentiel de tenir compte des caractéristiques socio-économiques des localités où vivent les immigrés. Par exemple, un taux de délinquance élevé dans une zone donnée pourrait davantage refléter une concentration de difficultés sociales et économiques (taux de pauvreté et de chômage élevé, manque d’infrastructures publiques) que la seule présence immigrée.
Aussi, pour isoler l’effet propre de l’immigration sur la délinquance, il est impératif de comparer les évolutions des taux de délinquance et des taux d’immigration de localités comparables sur le plan socio-économique. Sinon, il n’est pas possible de séparer l’effet de l’immigration de celui des spécificités locales.
Si, à notre connaissance, aucune étude utilisant cette approche n’a été menée spécifiquement sur données françaises, plusieurs travaux l’ont appliquée à des pays voisins comme l’Italie ou le Royaume-Uni, entre autres. Une étude plus récente a élargi le champ de l’analyse à 55 pays de l’OCDE, dont la France, sur la période 1990-2019.
Quels enseignements peut-on tirer de ces travaux sur d’autres pays pour le cas français ?
Tout d’abord, qu’aucune de ces études ne trouve d’effet significatif de l’immigration sur les taux moyens de délinquance, mais que cet effet peut différer selon le type d’infractions, la composition des flux migratoires et les politiques d’intégration en vigueur dans les pays d’accueil.
Ainsi, les vagues migratoires composées d’individus qui rencontrent des difficultés d’accès au marché du travail peuvent se traduire par des hausses des atteintes aux biens. C’est ce qui a été constaté au Royaume-Uni à la fin des années 1990 : l’arrivée de réfugiés privés d’autorisation de travail a eu pour conséquence une augmentation des vols. À l’inverse, après l’élargissement de l’Union européenne de 2004, l’afflux d’immigrés en provenance de pays de l’Est avec un visa de travail a au contraire réduit les taux d’atteintes aux biens dans les régions où ces immigrés se sont installés, leur taux d’emploi étant alors supérieur à celui des natifs.
L'accès des immigrés au marché du travail étant un facteur essentiel, il n’est pas surprenant que plusieurs travaux académiques fassent état d'une réduction marquée de la délinquance d’origine immigrée lorsque l’accès à un emploi stable et légal s’améliore. Cette dynamique a notamment été observée en Italie: la régularisation des étrangers sans titre de séjour a diminué de moitié leur probabilité de commettre une infraction l’année suivante.
L’exemple suisse illustre aussi l’importance de la composition des flux migratoires. Les demandeurs d’asile ayant grandi dans un pays marqué par un conflit présentent une probabilité plus élevée de commettre un crime violent à l’âge adulte que ceux n’ayant pas été exposés à la violence pendant l’enfance. Néanmoins, les auteurs de cette étude soulignent que cet effet peut être réduit grâce à des politiques et dispositifs d’accueil efficaces. En effet, les cantons offrant un accès rapide au marché du travail et proposant des programmes civiques transmettant les normes sociales, l’histoire et les codes civiques du pays d’accueil, parviennent à diminuer le risque d’infraction.
En définitive, même si l’on observe une corrélation positive entre immigration et délinquance, les études ne mettent pas en évidence d’effet causal de l’immigration sur le niveau moyen de délinquance. Cependant, la composition des vagues migratoires et les conditions d’accueil influencent la relation observée. Dans ce contexte, les politiques qui agissent directement sur ces deux facteurs jouent un rôle déterminant dans l’effet que l’immigration peut exercer sur la délinquance.
Cette surreprésentation est particulièrement marquée pour les atteintes aux biens : 39 % pour les vols dans les véhicules, 37 % pour les cambriolages ou encore 30 % pour les vols violents sans arme ; et, dans une plus faible mesure, pour les atteintes à la personne : 15 % pour les violences physiques hors cadre familial, 13 % pour les violences sexuelles, par exemple.
On observe également que les localités affichant les niveaux de délinquance les plus élevés sont aussi celles où la population immigrée est la plus importante. Il existe donc une corrélation positive entre immigration et délinquance.
Pour autant, ces observations permettent-elles de conclure qu’un afflux d’immigrés conduit systématiquement à un accroissement des taux de délinquance ?
Pour répondre à cette question, il est essentiel de tenir compte des caractéristiques socio-économiques des localités où vivent les immigrés. Par exemple, un taux de délinquance élevé dans une zone donnée pourrait davantage refléter une concentration de difficultés sociales et économiques (taux de pauvreté et de chômage élevé, manque d’infrastructures publiques) que la seule présence immigrée.
Aussi, pour isoler l’effet propre de l’immigration sur la délinquance, il est impératif de comparer les évolutions des taux de délinquance et des taux d’immigration de localités comparables sur le plan socio-économique. Sinon, il n’est pas possible de séparer l’effet de l’immigration de celui des spécificités locales.
Si, à notre connaissance, aucune étude utilisant cette approche n’a été menée spécifiquement sur données françaises, plusieurs travaux l’ont appliquée à des pays voisins comme l’Italie ou le Royaume-Uni, entre autres. Une étude plus récente a élargi le champ de l’analyse à 55 pays de l’OCDE, dont la France, sur la période 1990-2019.
Quels enseignements peut-on tirer de ces travaux sur d’autres pays pour le cas français ?
Tout d’abord, qu’aucune de ces études ne trouve d’effet significatif de l’immigration sur les taux moyens de délinquance, mais que cet effet peut différer selon le type d’infractions, la composition des flux migratoires et les politiques d’intégration en vigueur dans les pays d’accueil.
Ainsi, les vagues migratoires composées d’individus qui rencontrent des difficultés d’accès au marché du travail peuvent se traduire par des hausses des atteintes aux biens. C’est ce qui a été constaté au Royaume-Uni à la fin des années 1990 : l’arrivée de réfugiés privés d’autorisation de travail a eu pour conséquence une augmentation des vols. À l’inverse, après l’élargissement de l’Union européenne de 2004, l’afflux d’immigrés en provenance de pays de l’Est avec un visa de travail a au contraire réduit les taux d’atteintes aux biens dans les régions où ces immigrés se sont installés, leur taux d’emploi étant alors supérieur à celui des natifs.
L'accès des immigrés au marché du travail étant un facteur essentiel, il n’est pas surprenant que plusieurs travaux académiques fassent état d'une réduction marquée de la délinquance d’origine immigrée lorsque l’accès à un emploi stable et légal s’améliore. Cette dynamique a notamment été observée en Italie: la régularisation des étrangers sans titre de séjour a diminué de moitié leur probabilité de commettre une infraction l’année suivante.
L’exemple suisse illustre aussi l’importance de la composition des flux migratoires. Les demandeurs d’asile ayant grandi dans un pays marqué par un conflit présentent une probabilité plus élevée de commettre un crime violent à l’âge adulte que ceux n’ayant pas été exposés à la violence pendant l’enfance. Néanmoins, les auteurs de cette étude soulignent que cet effet peut être réduit grâce à des politiques et dispositifs d’accueil efficaces. En effet, les cantons offrant un accès rapide au marché du travail et proposant des programmes civiques transmettant les normes sociales, l’histoire et les codes civiques du pays d’accueil, parviennent à diminuer le risque d’infraction.
En définitive, même si l’on observe une corrélation positive entre immigration et délinquance, les études ne mettent pas en évidence d’effet causal de l’immigration sur le niveau moyen de délinquance. Cependant, la composition des vagues migratoires et les conditions d’accueil influencent la relation observée. Dans ce contexte, les politiques qui agissent directement sur ces deux facteurs jouent un rôle déterminant dans l’effet que l’immigration peut exercer sur la délinquance.

