Le blog du CEPII

Schengen : passoire ou passerelle ?

Souvent décriés dans le débat politique français, les accords de Schengen, qui facilitent la mobilité de la main-d’œuvre en Europe, renforcent l’intégration européenne. De ce fait, leur impact économique n’est pas négligeable.
Par Daniel Mirza
 Billet du 24 avril 2015


Parce qu’ils facilitent la mobilité des personnes, les accords de Schengen sont souvent critiqués, notamment dans le cadre des débats sur l’immigration clandestine en Europe. Sans entrer dans le débat politique induit par les drames récents, il est utile de rappeler la logique économique de ces accords. En facilitant la mobilité des travailleurs, et par là-même celle d’autres outils de production, ils créent de nouvelles opportunités d’échanges de biens et services et permettent d’accroître la cohésion d’ensemble de la zone et sa capacité à résorber des chocs touchant ses membres de façon asymétrique.

Des travaux récents montrent ainsi un impact positif sur le commerce de biens entre les régions de l’espace Schengen. Une évaluation récente conclut, par exemple, que les accords de Schengen auraient augmenté de 4.8 miliards d’euros annuels les exportations de la France vers l’Espagne. [1]

Mais les critiques les plus virulentes visent plus les mouvements de personnes que les échanges de biens au sein de l’espace Schengen. Or les économistes montrent, là aussi, que la restauration des frontières entraverait la mobilité du travail entre régions européennes et réduirait ainsi l’efficacité de l’allocation du travail en Europe. Quand l’Espagne et la Grande-Bretagne étaient en plein boum avant la crise de 2008, les travailleurs français ou résidant en France, pouvaient s’y rendre pour y trouver du travail. Par ailleurs, l’espace Schengen a très probablement contribué à amortir les effets de la crise de 2008 : les travailleurs des régions les plus touchées ont pu se déplacer vers des régions qui l’étaient moins. Des travaux récents montrent ainsi que les résidents nationaux ou étrangers d’une région de Schengen sont incités à lui préférer une autre si la conjoncture y est plus favorable [2,3,4]. Cette mobilité reste faible ; elle est néanmoins bénéfique car elle participe au renforcement de l’intégration européenne et au rapprochement des cycles conjoncturels entre les territoires de Schengen. Conformément à la théorie des zones monétaires optimales, cette convergence, favorisée par la mobilité des forces productives et des échanges de biens et services, minimise les coûts et maximise les bénéfices de la zone euro dont sont membres la grande majorité des pays de l’espace Schengen.

La mobilité au sein de l’espace Schengen permet ainsi d’améliorer l’allocation du travail en Europe, de rapprocher les cycles conjoncturels et de réduire les écarts de développement entre pays.
 

[1] Davis, D. et Gift, T. (2014), The Positive Effects of the Schengen Agreement on European Trade. World Economy, 37: 1541–1557
[2] Bourgeon, P., J.C Bricongne et M. Beine (2013), "Aggregate Fluctuations and International Migration", document de travail de la Banque de France, No. 453.
[3] Bazillier R., F. Magris et D. Mirza (2014), « Outmigration and Business Cycles », working paper, LEO université d’Orléans.
[4] Machado and T. Walsh (2014), “Labour Force(d) Migration in Europe”, Bruegel blog, November 26th.
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