Le blog du CEPII

Un New Deal pour l’Europe

Michel Aglietta (conseiller au CEPII) et Thomas Brand (chargé de mission au CAS) présentent leur New Deal pour l’Europe dans un ouvrage qui paraît aujourd’hui.
Par Michel Aglietta, Thomas Brand
 Billet du 21 mars 2013


L’opinion publique ressent intuitivement que la crise européenne arrive à un « moment politique ». L’euro souffre d’un vice originel qui est son incomplétude. C’est une monnaie utilisée dans les échanges par tous les citoyens des pays qui l’ont adopté, mais c’est une monnaie étrangère à tous les États. Il a fallu trois ans de crise de plus en plus profonde et étendue pour que l’impuissance de la concertation intergouvernementale comme mode de gouvernance de la zone euro soit reconnue. Sans institutions politiques fédérales, pas d’avenir pour l’euro et pas d’avancée démocratique donnant aux citoyens la conviction qu’ils appartiennent à un destin commun.

Ce livre cherche à démontrer la nature des déficiences structurelles de la zone euro et à démonter la dynamique infernale de la crise pour mieux aborder les deux questions prospectives : quelle union politique pour la zone euro ? Quelle croissance pour l’Europe ? En effet, l’originalité de ce livre est de ne pas séparer la forme du contenu, les changements institutionnels indispensables du projet européen, un projet qui doit nécessairement s’inscrire dans les mutations du capitalisme que la crise financière globale a déclenchées. Car la crise est un accélérateur de l’histoire dans cette première moitié du 21ème siècle. C’est dans la présente décennie que l’Europe devra faire les réformes qui lui permettront de conserver son influence dans la gouvernance mondiale pour répondre aux défis planétaires.

L’Europe entière sera profondément remodelée par les réformes qui feront de l’euro une monnaie complète. Les transformations institutionnelles nécessaires pour refonder le gouvernement de la zone euro sur une légitimité démocratique ne peuvent être séparées d’un contrat social de développement durable qui soit commun aux pays participants. C’est ce que nous nous attachons à démontrer.

Pour ce faire, le chapitre 1 revient sur les antécédents de la création de l’euro. Il porte la marque de l’Allemagne. C’est pourquoi nous nous attachons à comprendre l’ordo-libéralisme allemand et à souligner combien cette représentation de l’ordre social est étrangère à la conception française de la souveraineté. Il en découle un obstacle considérable au dépassement fédéral de l’impuissance des rapports interétatiques qu’il ne faut pas dissimuler pour trouver les voies qui peuvent le contourner. Nous montrons que l’idée de zone monétaire optimale est une impasse sur laquelle a buté la première tentative de monnaie commune dans les années 1970.

Viennent ensuite trois chapitres analytiques qui montrent comment les dysfonctionnements se sont accumulés, à quel point les économies de la zone euro ont divergé et pourquoi la crise financière d’origine américaine a eu un impact amplifié dans la zone euro. Le chapitre 2 étudie la montée des dettes privées dans les pays de la zone euro au cours des années 2000. Il montre pourquoi et comment cette dynamique financière divergente, permise par l’euro, a produit la polarisation économique entre pays créanciers et débiteurs et jeté les germes des handicaps de compétitivité dont les pays d’Europe du Sud souffrent aujourd’hui. Le chapitre 3 étudie la logique de la crise, c’est-à-dire la force dépressive du désendettement du secteur privé, les plans de relance budgétaire nécessaires pour la contrecarrer et le surgissement induit de l’endettement sur le secteur public. Il montre le rôle et les limites des initiatives monétaires de la BCE dans cet ensemble complexe de cercles vicieux. Enfin, le chapitre 4 est consacré au problème lancinant de la consolidation des dettes publiques, au piège des politiques d’austérité généralisées et aux leçons des expériences historiques présentant des dettes publiques très élevées.

Les chapitres 5 et 6 sont prospectifs et traitent des deux questions fondamentales posées ci-dessus sur l’union politique et sur la croissance. Le chapitre 5 s’interroge sur une nouvelle donne institutionnelle pour fonder la légitimité démocratique indispensable d’un partage de souveraineté dans les domaines politiques qui permettront de faire de l’euro une monnaie complète. Il identifie ces domaines comme étant l’extension des missions de la BCE : l’union bancaire et l’union budgétaire. Cette dernière serait précédée d’une phase intermédiaire portant création d’un institut budgétaire européen pour coordonner les politiques dans le domaine et organiser la mutualisation des dettes publiques sous la forme des Eurobonds. Le chapitre 6 inscrit la formation d’un nouveau contrat social dans les relations dynamiques entre innovation et croissance. Il montre que, si la compétitivité est définie dans cette perspective, elle n’est pas en opposition avec les politiques sociales inclusives qui font entrer la démocratie dans les entreprises sous la forme de la participation des salariés. Ce chapitre montre aussi que l’environnement est le domaine d’innovation susceptible de porter un projet de croissance pour toute l’Europe et de le décentraliser dans les territoires pour combattre la désindustrialisation. Le financement de cette stratégie de croissance renforcerait la cohésion fédérale de la zone euro. Il implique un budget propre de la zone euro pour doter en capital une intermédiation financière capable de soutenir l’émission d’Eurobonds qui attirerait l’épargne des investisseurs institutionnels en vue de financer les investissements de développement durable.

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