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Mesures non tarifaires : que négocie-t-on avec les États-Unis ?

Normes sanitaires, harmonisation, reconnaissance mutuelle... les échos du volet des négociations du TTIP portant sur les mesures non tarifaires sont remplis de ces mots. Que veulent-ils dire ?
Par Julien Gourdon
 Faits & Chiffres du 6 juin 2014


Mesures non-tarifaires et mesures techniques: de quoi parle-t-on ?

Les mesures non tarifaires regroupent l’ensemble des mesures autres que les droits de douane (« tariffs » en anglais) appliquées aux flux de commerce et qui sont susceptibles de les restreindre.  Elles peuvent prendre plusieurs formes : des restrictions quantitatives qui limitent de fait les importations (contingents, prohibition, etc.) ; des mesures de contrôle comme les licences non automatiques d’importations ; l’application, aux produits importés, de réglementations internes du pays importateur, que l’on appelle aussi les « mesures techniques ».

Les mesures techniques sont très nombreuses, on en distingue deux types :

- Les normes sanitaires et phytosanitaires concernent principalement les produits alimentaires. Elles consistent en des contrôles à la frontière en vue de la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de la préservation des végétaux. Il s’agit, par exemple, du degré maximum de résidus d’insecticides, pesticides ou métaux lourds dans des aliments ; de l’obligation d’information des consommateurs (conservation, ingrédients, etc.) ; de règles d’emballage ou de conditionnement (pas de film PVC pour les aliments, etc.).
 
- Les normes techniques imposent certaines caractéristiques aux produits (par exemple, le taux maximum de sel dans le ciment), ou aux méthodes de production. Il peut également s’agir de prescriptions en matière d’emballage ou d’étiquetage.

Ces mesures n’ont pas pour objectif de restreindre le commerce, mais elles peuvent toutefois avoir cet effet. C’est la raison pour laquelle le recours à ces mesures est régit par des accords spécifiques arrêtés dans le cadre de l’Organisation Mondiale du Commerce. Elles doivent respecter les principes de transparence, de non-discrimination, et de preuve scientifique dans le cas des normes sanitaires.

La plupart de ces mesures visent à protéger les consommateurs et l’environnement et ne sont pas conçues à des fins protectionnistes. Cependant, on recense des cas où ces normes sont délibérément destinées à limiter les importations ; leur prolifération, concomitante de la baisse des droits de douane, peut laisser penser que la nature protectionniste de certaines mesures est bien réelle.  

Cependant, même lorsqu’elles n’ont aucune visée protectionniste, les réglementations peuvent constituer un obstacle au commerce puisque i) un producteur va difficilement adapter sa production à des normes différentes ce qui limitera son accès ou sa compétitivité sur les marchés étrangers et ii) les délais et les coûts engendrés par la mise en conformité des produits aura également un effet contraignant. L’obstacle sera d’autant plus grand que les pays appliqueront des règles différentes, ou s’écarteront des règles internationales pouvant exister.


Quelles sont les approches envisageables pour réduire ces obstacles dans le cadre d’un accord commercial ?

Il existe plusieurs approches lors des négociations commerciales pour diminuer les coûts liés à l’hétérogénéité des réglementations sans réduire le degré de protection que les mesures techniques offrent, en particulier aux consommateurs.

Un pays peut reconnaître que la norme de son partenaire, bien que différente de la sienne dans sa spécification technique,  offre une protection équivalente ou supérieure. Le produit est alors autorisé à entrer sur le marché. Cette reconnaissance peut être unilatérale, elle peut être aussi mutuelle (réciproque), si chaque partenaire conserve ses propres normes mais accepte celles de l’autre. Cette approche est souvent considérée comme la  panacée : il n’y a aucun coût d’adaptation pour les firmes exportatrices et les consommateurs ont accès à une plus grande diversité de produits. Cependant les utilisateurs doivent s’adapter à deux standards différents. C’est l’approche qui a été retenue pour le marché unique européen dans les années 80.

Si les normes sont trop éloignées l’une de l’autre, la reconnaissance mutuelle est difficile et les partenaires peuvent alors s’entendre sur une harmonisation. Là encore il existe deux options : les deux pays s’entendent sur un standard unique (harmonisation totale) ou un des partenaires ou les deux acceptent de modifier ses spécifications techniques pour se rapprocher de la norme de l’autre (harmonisation partielle).

L’avantage d’une telle approche est qu’il y aura une véritable substituabilité entre produits. En revanche, cela implique des coûts d’adaptation de part et d’autre et une moindre variété de produits pour les consommateurs.

Il existe des cas où ni l’harmonisation ni la reconnaissance ne sont envisageables. Les partenaires peuvent alors se mettre d’accord sur plus de transparence sur leurs normes respectives afin que les utilisateurs puissent être correctement informés. Ceci implique notamment une information claire et facilement disponible, dans la langue du pays partenaire.

Lorsque les normes sont différentes, la reconnaissance mutuelle des tests de conformité permet de faire certifier le produit avant son expédition par un laboratoire agréé par le partenaire. Cela permet de réduire les coûts pour l’exportateur et d’éviter le risque que les produits soient refoulés à l’entrée du marché pour non-conformité.

Dans le cadre du TTIP le volet « mesures non-tarifaires » comprend essentiellement les obstacles liés à ces mesures techniques et les solutions envisageables listées ci-dessus seront proposées au cas par cas, selon les produits.
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