Le blog du CEPII

40 ans d'économie mondiale en 40 graphiques

Créé en 1978 par Raymond Barre, le CEPII a 40 ans cette année. L'occasion pour ses économistes de tracer les contours de 40 ans d'économie mondiale en une quarantaine de graphiques. Dans ces carnets qui les rassemblent, l'économie mondiale vous dévoilera ses courbes et ses zones d'ombres.
Par Isabelle Bensidoun, Jézabel Couppey-Soubeyran
 Billet du 19 avril 2018


Le CEPII a 40 ans. L’occasion pour ses économistes de faire le point sur les évolutions qui ont marqué l’économie mondiale tout au long de ces années. Pour ce faire, une quarantaine de graphiques, qui sont comme autant de bougies que nous invitons nos lecteurs à souffler avec nous, regroupés en cinq carnets dont le premier retrace les évolutions globales qui ont dessiné les contours de l’économie mondiale au cours des quatre décennies passées et les quatre autres proposent un zoom thématique détaillant les différentes évolutions aux niveaux commercial, macro-financier, des migrations et de l’environnement.

Ces Carnets graphiques n’ont, bien entendu, pas vocation à présenter l’ensemble des dynamiques qui ont conduit à l’économie mondiale telle que nous la connaissons aujourd’hui, bien différente à de nombreux égards de celle qui prévalait il y a 40 ans. Ils sont au pluriel car ils témoignent de ce que chaque auteur a choisi d’illustrer par le graphique qu’il y présente, comme des Carnets à plusieurs mains. Choix qui a parfois été contraint par la disponibilité des données.

Car, certes, grâce aux données internationales dont l’étendue et l’accessibilité ont connu des progrès spectaculaires ces 40 dernières années, l’économie mondiale, et avec elle la mondialisation, laissent à voir beaucoup de leurs courbes ou de leurs contours, mais elles conservent aussi leurs zones d’ombres.

C’est ainsi qu’il n’est guère possible de remonter très loin dans le temps pour connaître de manière fiable et pertinente l’évolution des droits de douane au niveau mondial. Ce sont aussi les mesures non tarifaires, celles qui prévalent aujourd’hui, dont il est difficile, de par leur nature, d’avoir une évaluation chiffrée globale. Ce sont encore les échanges de services dans leurs modalités qui dépassent les échanges au sens strict retracés par les balances des paiements et qu’il n’est toujours pas possible de connaître au niveau mondial. Ce sont les inégalités entre les citoyens du monde, qui, faute d’une enquête mondiale sur les revenus, ne peuvent encore qu’être estimées, avec des hypothèses qui font que les différentes estimations ne livrent pas toujours les mêmes conclusions quant aux évolutions des inégalités au sein des pays. Ce sont aussi les échanges intra-firmes qu’il n’est toujours pas possible de tracer pour bien identifier le rôle joué par les multinationales dans le processus de mondialisation. Sans compter que, dans toutes ces évolutions, il y a aussi une dimension qualitative plus difficilement mesurable.

Cette liste n’a pas la prétention d’être exhaustive. Elle est composée de ce à quoi nous avons été confrontées, parfois avec étonnement, lors de la constitution de ces Carnets graphiques. Elle montre en tout cas que lorsque la mondialisation est encadrée par des accords, parce que les pays prennent des engagements dont l’exécution doit être vérifiée, alors les données viennent à se constituer et certaines zones d’ombre à s’estomper. C’est ainsi que la création de l’OMC a permis d’avancer sur la connaissance de la protection commerciale, que les accords sur le climat permettent de mieux apprécier la répartition des émissions de gaz à effet de serre, ou que le lancement des négociations sur les services en 2001 ont pu laisser espérer que des efforts allaient être déployés pour mieux cerner les échanges de services qui s’effectuent par le biais de la présence commerciale ou de personnes physiques, espoirs que l’échec du cycle de Doha est venu décevoir et que les paquets de Bali et de Nairobi n’ont pas permis de raviver.

Ces précautions prises, nous espérons que la lecture de ces Carnets graphiques vous permettra de vous faire une idée assez complète des transformations qui se sont produites ces 40 dernières années.

Parmi elles, l’intensification du commerce mondial à partir du milieu des années 1960, puis de sa croissance effrénée dans les années 1990-2000 lorsque le phénomène a pris véritablement une dimension mondiale. La crise financière de 2007-2008 y a certes mis fin et fait régresser le taux mondial d’ouverture commerciale, mais cela ne signifie pas nécessairement qu’il ait vocation à baisser substantiellement dans les années à venir.

S’il est un domaine marqué par l’intensification, l’extension et l’accélération des échanges c’est celui de la finance. La finance a pris une dimension globale qui se reflète non seulement dans les flux du compte financier des balances des paiements, mais également dans le gigantisme du marché des changes et la très forte croissance des transactions boursières. Là aussi, la crise financière de 2007-2008 a marqué un coup de frein, qu’il serait toutefois hâtif d’interpréter comme l’amorce d’une déglobalisation financière. La financiarisation de nos économies a été telle au cours des dernières décennies qu’elle ne se défera pas du jour au lendemain. En revanche, une chose est claire, depuis la crise, la globalisation financière s’affiche sous un jour nouveau avec des flux internationaux de capitaux relativement moins instables, car constitués en plus grande part d’investissements directs étrangers. Jusqu’à quand ?
Portés par le souci des entreprises d’accéder aux marchés les plus dynamiques ou de participer aux chaînes mondiales de valeur en se localisant là où les coûts sont les plus avantageux, mais aussi, pour les pays du Sud, de bénéficier de transferts de technologies, les investissements directs étrangers ont connu un essor considérable : rapporté au PIB, le stock mondial d’investissements directs étrangers entrants a été multiplié par 7 en moins de 40 ans, témoignant ainsi du déploiement des entreprises multinationales.

Si les marchandises et les capitaux ont circulé de plus en plus intensivement au cours des dernières décennies, on ne peut pas en dire autant des personnes. Il y a certes de l’hétérogénéité entre les pays selon leur niveau de revenu, mais au niveau mondial, la part des migrants n’a guère changé ces 40 dernières années.

La mondialisation a-t-elle apporté une prospérité ? Bien partagée ? Les débats sont vifs à ce sujet et les inégalités sont à cet égard devenues un enjeu majeur du débat sur la mondialisation. Depuis 2000, l’extension de la convergence des niveaux de vie à un nombre suffisamment important de pays pour que le phénomène revête une dimension globale a permis aux inégalités entre pays de rejoindre les inégalités internationales sur la voie de la décroissance. Et c’est bien cette baisse des inégalités internationales qui fait que celles entre citoyens du monde connaissent aussi une diminution. Car, au niveau interne, les inégalités se sont creusées dans de nombreux pays jusqu’à la crise financière de 2007-2008. Depuis lors, les évolutions sont plus contrastées et, au niveau mondial, les estimations de cette composante interne des inégalités indiquent une stabilisation ou une réduction depuis 2000, mais paradoxalement la désillusion de la mondialisation n’a cessé de grandir.

S’il est un pays qui a transformé l’économie mondiale, c’est bien la Chine. Son ascension fulgurante, basée sur une approche bien éloignée des différents consensus qui ont eu cours ces dernières décennies, a profondément modifié les grands équilibres économiques mondiaux, signant la fin de la domination sans partage des pays riches de l’OCDE. Parmi ces derniers, le Japon est celui qui aura fait, avant tous les autres, la douloureuse expérience de la déflation à la suite d’une crise bancaire et financière, avec pour conséquence son remplacement par la Chine en tant que pôle de la triade aux côtés de l’Europe et des États-Unis. Moins hégémoniques que par le passé au niveau économique, les États-Unis restent une puissance financière armée de sa monnaie, le dollar, dont le rôle de devise clé persiste, et n’a guère souffert de l’introduction de l’euro.

Alors qu’il y a 40 ans l’économie mondiale était plongée dans une phase de crises inflationnistes, et qu’en Amérique latine, le Brésil, ou plus proche de nous, la Turquie flirtaient avec des taux d’inflation à trois chiffres, début 2018, c’est de la faiblesse de l’inflation qu’il était question. Pourtant les évolutions du prix du pétrole de ces 20 dernières années ont été très semblables à celles des années 1970 et 1980. Mais le contexte dans lequel elles sont intervenues était radicalement différent. Le premier choc pétrolier s’est produit lors d’une phase de ralentissement économique alors que l’envolée du prix du brut à la fin de la décennie 1990 est intervenu lors d’une phase d’expansion de l’économie mondiale. En outre, pour l’inflation aussi, l’ascension chinoise est devenue déterminante. En bouleversant la division internationale du travail et en grossissant la force de travail mondiale avec son armée de réserve à bas coûts, la Chine est devenue l’atelier du monde et ses prix, les prix directeurs des biens manufacturés en Occident.

Contrepartie de son ascension, la Chine est désormais au premier rang des émissions de CO2, même si pour le moment les émissions d’un Chinois sont inférieures à celle d’un Américain. La réduction de ces émissions, qui ont plus que doublé en l’espace de 40 ans, est devenue l’un des grands enjeux de ce XXIe siècle et sans aucun doute celui dont la réussite va largement conditionner le devenir de l’économie mondiale des prochaines années.


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